EthiopiE
Eckelechoa, Un village sans eau
Images survivantes, d'un projet de film avorté.
Images d'un voyage raté.
Cinq années plus tôt, lors d'une traversée à pieds des Simian Mountains au nord du pays, au hasard des étapes j'étais tombé sur ce village étrange, perché sur une montagne au centre d'une vallée désertique, où il n'y avait pas d'eau, la source la plus proche étant à plus d'une heure de marche...
Je n'avais pas bien compris pourquoi avoir construit ce hameau là, sans accès plus simple à un des besoins primaires le plus important après l'air que l'on respire, qu'est l'eau : certains évoquaient le paludisme qui aurait poussé ces gens à se réfugier loin des cours d'eau, sur une colline ventée...
J'y repensais souvent, à ces gens étonnants qui n'avaient pas peur de la soif, ces gens qui chaque jour devaient affreter une caravanne de tout leur bétail pour les emmener s'abreuver, et remonter avec des provisions d'eau pour 24h à peine, sanglées sur les ânes, les vaches et les chèvres. Je rêvais d'y retourner faire un film, un documentaire de création tourné à la Bolex Paillard mécanique, dans un Noir&Blanc sali par les fuites de lumière de cette vieille camera imparfaite, faire des plans séquence lents de ces humains mystérieux hors du temps, leurs allers et venues, leur labeur quotidien, leur rapport à leurs bêtes, aux insectes ou aux végétaux épineux, le rapport de tous ces êtres vivants à l'eau et à cette terre, aride, si rude à la survie, le rapport à la vie.
Mais lorsque je trouvais enfin le temps d'y retourner mon voyage de repérage se transforma en calvaire d'un bout à l'autre, avec pour commencer le vol de mon appareil photo dès le 3ème jour dans une gare routière, une grève des transports publiques, les routes coupées, puis mon "guide local" ne parlant en fait pas la langue de l'ethnie que j'étais venue rencontrer, et pour finir : le village que j'étais venu revoir, à plusieurs jours de marche du dernier village carrossable à plusieurs jours de bus, se trouvait en fait avoir été abandonné, déserté par sa population probablement pour cause d'aggravation de la sécheresse, aller donc savoir... tout cela était très énigmatique, mais d'obstacles en obstacles, je devais me résoudre à constater l'échec de ce "repérage" et me résoudre à renoncer à mon projet.
Heureusement, grace à un "petit" photographe de brousse (comprenez un merveilleux artisan photographe dans sa petite boutique loin de la modernité des grandes villes), qui accepta de me louer un vieux Nikon quasi-HS, sans pile ni cellule, ne fonctionnant qu'au 1/90è de seconde mécanique, j'ai pu exposer tout de même quelques pellicules restées disponibles, dans mon gros sac de voyage qui n'avait pas été volé.
De ce projet avorté, de ce village sans eau évaporé, de ce voyage raté, il reste ces quelques images.